Où sont les rêves de jeunesse ? ( Seishun no yume ima izuko?) de Yasujirô Ozu

Où sont les rêves de jeunesse ? (青春の夢いまいづこ, Seishun no yume ima izuko?) film japonais de Yasujirô Ozu, sorti en 1932

 

Tetsuo mène une vie insouciante à l’université jusqu’au jour où son père décède. Il doit abandonner ses études et lui succéder à la tête de l’entreprise familiale. Il va faire embaucher ses anciens camarades. Mais peut-il toujours exister entre eux les mêmes relations d’amitiés et d’égalité qu’autrefois ? Surtout que le patron et l’un de ses compagnons employé sont tous deux amoureux de la même femme.

Les films d’Ozu parlent du long déclin de la famille japonaise, et par-là même, du déclin d’une identité nationale. Ils le font, sans dénoncer ni mépriser le progrès et l’apparition de la culture occidentale ou américaine, mais plutôt en déplorant avec une nostalgie distanciée la perte qui a eu lieu simultanément. Aussi japonais soient-ils, ces films peuvent prétendre à une compréhension universelle. L’arrivée du cinéma parlant ne motive pas Ozu, qui préfère à l'époque continuer dans le muet, ayant promis à ses assistants de ne faire des films sonores que lorsqu’ils en maîtriseraient parfaitement la technique.

Adapté d’une pièce de Meyer-Foester, également mise en scène par Ernst Lubitsch sous le titre The Student Prince, ce film marque une étape importante dans sa filmographie puisqu’il opère une transition radicale entre les comédies des ses débuts et le drame social qui allait le préoccuper dès cette date. Et ce, à l’intérieur même du récit. Le film débute par une description amusée et assez juste, à travers l’amitié de quatre camarades, de la vie estudiantine avec ses roublardises, ses tricheries, son humour potache, ses jeux et son éternelle insouciance. Après la mort du père de Tetsuo, voici projeté ce dernier à la tête de l’entreprise familiale et là encore, l’humour prend le dessus avec des gags très drôles comme celui du discours inaugural de ce nouveau Président à ses employés, après l’interminable mise en bouche du vice-président, qui se résume à une seule phrase : "Je compte sur votre coopération".

Toutes ces séquences d’ouvertures sont brillamment découpées, très bien rythmées et, niveau efficacité, n’ont rien à envier au cinéma hollywoodien de l’époque auquel Ozu fait encore pas mal d’emprunts. Justement, le film glisse ensuite vers la description toute en finesse de l’amour naissant de Tetsuo pour Osage, une serveuse de bar du temps du lycée, elle-même courtisée par l’un de ses meilleurs amis, et maintenant sous ses ordres sans qu’il ne sache rien de cet amour.

Tour à tour drôle et triste, l’ensemble est menée avec une belle vitalité et contient son lot de mouvements d’appareil savants et de raccords en travellings assez recherchés. Ozu n’avait pas encore abdiqué les techniques modernes de mise en scène mises à sa disposition. Le cinéaste se révèle aussi à l’aise dans la légèreté du début montrant l’idéalisme des étudiants que dans la description plus dure de la réalité du monde du travail. Même si Tetsuo est resté un grand enfant qui joue au jeune homme moderne, et qu’il va faire embaucher ses anciens camarades en les aidant à tricher, les relations d’amitié ne sont plus les mêmes. Tetsuo le ressent très bien et la jeune Osage sera le révélateur de ce gouffre qui s’est créé entre eux. Se retrouvant comme par le passé autour d’une table pour boire un coup, Tetsuo demande à ses amis : "Quand nous étions étudiants, nous nous partagions Osage. Avant de l’accaparer, je désire connaître votre avis". Personne ne trouve rien à y redire même si tous savent que leur autre camarade, timide, n’ose avouer à Tetsuo qu’il était là le premier et que lui et Osage avaient décidé de vivre ensemble. Il préfère acquiescer et laisser tomber. Quand Tetsuo l’apprendra, il punira avec violence son camarade sous les yeux des deux autres. Tetsuo souhaite ainsi leur faire comprendre combien il ont été stupides de ne rien lui dire et que la hiérarchie ne doit être valable que durant les heures de travail.

Distribution

  • Ureo Egawa : Tetsuo Horino
  • Kinuyo Tanaka : Shigeko
  • Tatsuo Saitô
  • Haruo Takeda
  • Chishû Ryū

Fiche technique

  • Titre original : 青春の夢いまいづこ, Seishun no yume ima izuko?
  • Réalisation : Yasujirô Ozu
  • Scénario : Kōgo Noda
  • Photographie et montage : Hideo Shigehara
  • Format : noir et blanc - 1,33:1 - 35 mm - muet
  • Durée : 92 minutes
  • Date de sortie : 13 octobre 1932