Ma Mère dans les paupières (Banba no chutaro mabuta no haha) film japonais de Hiroshi Inagaki
sorti en 1931
Chutaro a été séparé de sa mère enfant. Vingt ans après, il n'arrive pas à se faire à cette séparation. Il décide de partir à sa recherche à Edo. Mais le temps passe sans trouver d'incice. Un jour, il entend parler d'Ohama, la patronne du Mizukuma, un restaurant. Plein d'espoir, agit pas de sa mère, il se rend dans l'établissement et pense reconnaitre sa mère. Quand il voit Ohama, Chutaro l'appelle et veut la prendre dans ses bras. Mais elle le repousse froidement. Chutaro quitte le restaurant, désespéré. Otose, la fille d'Ohama supplie sa mère et elles partent à la recherche de Chutaro.
Loin des codes habituels du film en costumes (jidaigeki) ou même des matatabi-eiga (films de yakuza itinérant) Ma mère dans les paupières serait plutôt un drame en costume resserré autour d’un seul objectif (le héros cherche sa mère à Edo) et concentré sur quelques heures (le film est adapté d’une pièce de théâtre). En 1931, il s’agit encore d’un muet et Inagaki, futur pape de la couleur saturée et de l’épique au service de Toshiro Mifune, se révèle ici maître dans la gestion de l’intensité, certes théâtrale, mais parfaitement adaptée en quelques plans et intertitres clés.
Une fois que notre héros a trouvé sa mère, et il y parvient assez facilement, ce n’est pas un film d’enquête, l’argument, et le dilemme, est assez simple : elle refuse de le reconnaître et pense qu’il vient réclamer sa part d’héritage quand lui vient innocemment chercher la maman qu’il n’a jamais eue. En un seul face à face, Inagaki multiplie les angles de caméra, les rythmes, répète avec insistance la même rengaine comme son héros le fait avec sa mère, mais toujours avec un sens du rythme certain, ne lâchant rien. Une fois résolu à ne pas recevoir la reconnaissance espérée de sa mère, une nouvelle tension naît aussitôt dans les espaces extérieurs livrés au vent et à la neige. La fille arrivant à convaincre sa mère de retrouver ce premier fils caché et abandonné, la question de savoir si elles parviendront à le rejoindre. Un lyrisme que Inagaki emploiera rarement par la suite lui préférant la sobriété des cadrages et des montages classiques.
Le film est tiré de l'histoire du même nom, publié un an auparavant sous forme de feuilleton par Shin Hasegawa, dont les récits seront adaptés pas moins de soixante-seize fois lors de cette décennie. L'intrigue d'origine popularisera l'un des genres les plus en vogue du jidaigeki au début de l'ère Showa : les matatabi mono. Des histoires de yakuzas, forcés de prendre la route afin de se faire oublier, jouant et se querellant avec des bandits de grand chemin. Rencontrant souvent une femme au cours de leurs errances, c'est pourtant seuls qu'ils devront repartir.
Ici, la femme en question n'est autre que la mère du personnage principal. Banba no Chutaro, accompagné par son complice Hanji, en cavale après la mort d'un parrain de la pègre locale, se souviendra d'une mère perdue de vue lorsqu'il n'avait que douze ans. Une modification qui complexifie cette approche du genre puisque ce personnage sans peur et sans reproche va se fragiliser au fur et à mesure que progresse sa quête, allant jusqu'à distinguer une figure maternelle potentielle à chaque fois qu'il croisera une femme entre deux âges.
Hiroshi Inagaki innove en intégrant des aspects modernes hérités des films américains comme, par exemple, lors de la description du monde des joueurs vagabonds qui convoque un lyrisme propre au western.
Sur le plan technique, le choix des angles de caméra n'est jamais le fruit du hasard, le montage est agencé à partir de gros plans d'un même personnage pris sous diverses inclinaisons et, entre deux plans parfaitement statiques, viennent s'intercaler des séquences d'action. Cette virtuosité est entrecoupée d'intertitres tout aussi travaillés que le reste, Inagaki changeant la typographie et le sens des lettres en fonction de l'expression des acteurs.
Les aventures désespérées de ce personnage mélancolique et solitaire, évoquent une réalité sociale à l'époque toujours d'actualité dans les quartiers populaires. Le Japon était encore un pays en voie de développement et beaucoup d'enfants durent quitter le foyer très jeunes pour se débrouiller tout seuls. |