Orochi ( 雄呂血 ) de Buntarô Futagawa

Orochi ( 雄呂血 ) film japonais de Buntarô Futagawa sorti en 1925

Vers 1700 sous l'ère Tokugawa, en pleine beuverie, le jeune samouraï Heizaburo refuse de remplir la coupe de son supérieur ivre mort, et c'est le début de ses ennuis. Il lui arrive ensuite le pire même quand il ne dit rien. Il est accusé de tout y compris de meurtre alors qu'il n'a rien fait. Au fil de la malchance et des malentendus qui s'abattent, le démon qui sommeille en lui va progressivement exploser pour se déchaîner plus fort encore lors du final.

En regardant l'acteur magistralement se métamorphoser du jeune étudiant samouraï naïf au pauvre hère jusqu'à l'écorché possédé par le démon guerrier, de nombreuses images du cinéma à venir sont distillées d'autant que plusieurs périodes de sa vie sont abordées. Non seulement, la charge contre le pouvoir perfide est déjà massive mais les obsessions de loyauté, d'intégrité, de folie, de compassion, d'espionnage aux portes, trahison, auberge, argent, jeu, geishas, réception, hôte, amour contrarié, dénuement, possession maléfique, etc, bref tous les favoris nippons sont déjà au coeur du récit.

Les scènes de combat rapides à l'épée exécutées magistralement par Bandô étaient nouvelles à une époque où les films de style kabuki , tranquilles et dignes étaient la norme. Ce style a été transmis aux films chambara modernes . En raison du style kabuki, le maquillage des personnages les a transformés en représentations presque identiques de l' ukiyo-e (gravures sur bois), une forme d'art japonaise majeure.

Le titre original du film était censé être "Hors-la-loi", mais les censeurs et la police japonais l'ont interdit, car la représentation d'un hors-la-loi en héros était considérée comme très dangereuse. Le titre a ensuite été changé en "Serpent", décrivant comment Bando Tsumasaburo se tortille quand il se bat et comment, même dans la mort, un serpent a l'air terrifiant.

Tsumasaburo Bando (1901-1953), plus connu sous le pseudonyme de Bantsuma, fut incontestablement le comédien le plus important de sa génération : débutant dans le kabuki, le jeune homme d'alors déchanta rapidement au sein de ce petit circuit où les meilleurs rôles étaient constamment réservés aux acteurs issus de familles prestigieuses. Ayant rejoint ce monde par simple amour de l'art et n'ayant pas d'autre appui que sa détermination, le talent de Bando sur les planches fut malheureusement gâché par des rôles insignifiants mettant peu en relief l'étendue de son répertoire. Ainsi, ses rôles de samouraï de condition modeste en quête perpétuelle de respectabilité apparaissent comme le reflet de son expérience réelle.

Le metteur en scène, Buntaro Futagawa (1899-1966), dont il ne reste plus que deux films encore trouvables, est sans nul doute possible l'artisan qui utilisa le mieux à la fois les thématiques modernes de Susukita et la figure tragique de Bando.

Orochi est surtout réputé pour son impressionnante bataille finale. Cet affrontement entre le héros et les forces de l'ordre, en nette supériorité numérique, est filmé en un plan très long à l'aide d'un mouvement de grue. Bantsuma, encerclé, doit à la fois repousser les autorités et éviter les tuiles qu'on lui jette depuis un toit, séquence restant probablement comme l'une des plus réalistes de l'histoire du cinéma japonais des années 1920.

Il s'agit d'une oeuvre très pessimiste anticipant de quelques années les keiko eiga (ou le cinéma à conscience sociale); ce personnage pathétique, dont les capacités expressives de Bantsuma arrivent à marquer ostensiblement les différentes étapes de son déclin physique et moral, subit à la fois l'humiliation des seigneurs locaux, le regard accusateur de la ville et le monde impitoyable des yakuzas. À la recherche d'un peu d'estime, mais souffrant des préjugés d'une société qui condamne sans cesse sur la foi des apparences, un esprit de révolte s'éveillera peu à peu en lui.

Distribution

  • Tsumasaburô Bandô
  • Mieko Seki
  • Utako Tamaki
  • Kensaku Haruji
  • Kichimatsu Nakamura

Fiche technique

  • Titre original : Orochi ( 雄呂血, traduction : Le Serpent )
  • Réalisateur : Buntarô Futagawa
  • Scénario : Rokuhei Susukita
  • Photographie : Seizô Ishino
  • Société de production : Bandô Tsumasaburô Production
  • Format : noir et blanc - 1,37:1 - film muet
  • Durée : 74 minutes (métrage : 11 bobines - 2 537 m)
  • Date de sortie : 20 novembre 1925