Monsieur Merci ( 有りがたうさん , Arigatô-san) film japonais d' Hiroshi Shimizu, sorti en 1936
Monsieur Merci décrit un trajet en bus, par des routes escarpées, de la presqu’île d’Izu à Tokyo, et retour, avec Monsieur Merci, surnommé ainsi parce-qu’il est la gentillesse même et dit "merci" chaque fois que des piétons ou des véhicules s’écartent pour le laisser passer.
Adapté d’une nouvelle de Yasunari Kawabata le film est une espèce de road movie puisque la totalité de l’action se déroule pendant le trajet en bus qui relie un village de la presqu’île d’Izu à Tokyo.
Une petite musique pimpante, accordée aux coups de klaxon, accompagne le petit autobus conduit par Monsieur Merci lorsqu’il se lance hardiment à l’assaut des cols escarpés.
Ici, les malheurs du monde sont appréhendés dans un élan de gaieté, de générosité et presque d'innocence, entraînant et contagieux.
Le film est entièrement réalisé en extérieur dans la péninsule d'Izu. Ken Uehara a dû prendre des cours de conduite et l'autocar a été aménagé pour pouvoir recevoir une caméra. Des éléments imprévus dans le scénario ont été intégrés à l'histoire comme lorsque l'autocar croise par hasard un groupe de travailleurs coréens se rendant dans un chantier ou encore lorsque le véhicule se rapproche dangereusement d'un ravin.
Le film se caractérise par son rejet des structures dramatiques classiques, comme dans la représentation du métier de son personnage qui désamorce d'emblée toute tentative romanesque : quoi de plus besogneux et répétitif qu'un chauffeur de bus qui exécuterait sans arrêt le même trajet pour toujours revenir à son point de départ?
Le tournage démarre plus avec un «système» qu'avec un scénario pré-écrit, les rencontres sur la route déterminent l'évolution du projet. C'est donc après avoir croisé le chemin d'ouvriers immigrés que le réalisateur eut l'idée d'improviser une séquence où son conducteur arrête le véhicule pour venir parler à une jeune femme coréenne de sa connaissance. Un choix moins innocent qu'il n'y paraît, l'année de tournage du film coïncidant avec la sanglante répression d'une grève qui conduisit au meurtre et au viol de plusieurs familles de journaliers coréens, la parole est redonnée à ces minorités silencieuses.
L'histoire n'a rien de linéaire et donne l'impression d'avancer sans que rien ne se dénoue dans sa finalité; le bus devient le microcosme d'un Japon à deux vitesses dans lequel les personnages se trouveraient déhiérarchisés l'espace d'un voyage. Ce goût pour la ruralité ne lui a pas fait perdre de vue certaines considérations progressistes, à travers le portrait de ces paysans qui, n'ayant plus les moyens de subvenir aux besoins de leurs enfants, s'en débarrassent à la faveur de mariages arrangés, il dénonce ainsi la condition de quasi-bétail à laquelle est parfois réduite la femme.
Parlant avec simplicité de choses graves, son regard sur le monde est pourtant dénué de tout moralisme et se retrouve semblable à celui, furtif et changeant, que l'on jetterait depuis la fenêtre d'un véhicule en mouvement. La grande force d'un film comme Monsieur Merci réside peut-être dans cette capacité à venir saisir le réel non comme la reproduction mimétique de celui-ci mais comme une succession d'instantanés marquant la coïncidence naturelle de l'homme avec son environnement.
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