Le Policier (警察官, Keisatsukan) , film japonais de Tomu Uchida sorti en 1933
Itami, un policier, retrouve un ami d'enfance, Tetsuo Tomioka, et va découvrir que celui-ci a pris part à un braquage à main armée dont il a été témoin et dans lequel son mentor a été blessé par balle. Lors d'un contrôle de routine, Itami, jeune officier de police zélé, retrouve Tetsuo, un vieil ami d'enfance. Après le lycée, le premier fut sauvé d'une jeunesse compliquée grâce à la bienveillance du sergent Miyabe qui l'a fait rentrer dans les rangs de la police; le second, quant à lui, a rompu tout lien avec son père, directeur d'une grande société. Lors du hold-up d'une banque, Miyabe est froidement abattu par un des braqueurs. Les soupçons d'Itami, qui mène seul son enquête, commencent à se porter sur Tetsuo ; entre son sens du devoir et celui de l'amitié, un dilemme cornélien va s'imposer à lui.
Le film est l'adaptation d'une pièce de théâtre homonyme narrant l'affrontement entre un policier et des gangsters aux motivations politiques. Cette pièce était elle-même inspirée d'un fait divers de 1932, le braquage de la banque d'Omori, un hold-up prétendument attribué au parti communiste alors en pleine clandestinité qui donna lieu à de nombreuses spéculations.
Le film, à la visée propagandiste évidente, fait le portrait d'une institution efficace, rigoureuse, tout autant que fer de lance de la modernité urbaine. La réalisation d'Uchida, par ses cadrages stricts et ses travellings faisant écho à la marche implacable de l'ordre et de la justice, aiguise cette représentation martiale du corps de police. Mais ce socle propagandiste est toutefois détourné par le cinéaste, qui en fait habilement le terreau de la modernisation d'un genre émergeant : le film de gangsters.
Si la trame narrative renvoie aux récits d'apprentissage du cinéma de propagande, elle revêt également les atours du récit introspectif du film noir. Pour parfaire sa formation, le jeune Itami, policier intègre et loyal, doit se confronter à son double inversé, Tetsuo. Leurs retrouvailles fortuites, après des années de séparation, sont l'occasion de mesurer la distance prise entre leurs parcours de vie, à la perdition d'un fils à papa désoeuvré répond le salut d'un simple et honnête jeune homme, à qui la police sut offrir une famille de substitution.
Le personnage de Tetsuo ne se résume toutefois pas à un archétypal double négatif : il est le fantôme d'un passé récalcitrant, un passé fait de doutes avec lequel Itami se doit enfin de rompre. Tout l'enjeu de ce récit tient ainsi dans une photographie : un portrait d'Itami et Tetsuo, lycéens, trônant dans la chambre du jeune policier; une amitié scellée sur une image du bonheur qu'ltami doit outrepasser pour saisir la vraie nature de Tetsuo. Le trouble que ce dernier provoque ne tient pas tant à sa frivolité, opposée au jansénisme d'Itami, mais plutôt à son rappel de leur lien passé et de leur formation commune : la lecture de la philosophie romantique de Novalis et la pratique sportive, points d'ancrage pour une pensée idéaliste.
À cette confrontation intime, Uchida confère une puissante dimension mélodramatique, amplifiée par le conditionnement moral qu'imposé la discipline policière. L'origine étatique du Policier constitue très probablement la racine de son réalisme cru, quasi documentaire. |