Le Col du grand Bouddha (大菩薩峠 , Daibosatsu tôge) film japonais de Hiroshi Inagaki, sorti en 1935
Les aventures de Ryunosuke Tsukue, samouraï nihiliste et sans scrupules qui seme la terreur sur sa route. Il croise la route des proches de ses victimes, la petite-fille d'un pélerin assassiné sans raison et le frère d'un adversaire tué. L'histoire commence par un duel dans l'enceinte d'un sanctuaire shinto entre Bunnojo Utsuki, maître de l'école Kogen Itioryu, et Ryunosuke Tsukue. Tsukue l'emporte et s'enfuit à Edo avec la femme de son adversaire. Le cadet d'Utsuki, Hyoma, veut venger son frère.
Ce film occupe une place singulière dans l'histoire des jidaigeki du cinéma japonais, en raison sans doute du caractère particulier du roman dont il s'inspire. Kaizan Nakazato (1885-1944) a commencé à faire paraître son œuvre en feuilleton dans les pages d'un quotidien en 1913. Malgré des interruptions et des changements de journaux, sa publication s'est poursuivie jusqu'en 1941, sans toutefois atteindre sa forme achevée. En 1935, lorsqu'elle fut adaptée pour la première fois au cinéma, l'histoire continuait à paraître tous les jours. Ce roman-fleuve représente quelque quarante et un tomes, ce qui en fait l'un des plus longs de la littérature japonaise. Le développement haletant de cette histoire de vengeance fit le succès du roman populaire que les lecteurs retrouvaient chaque jour dans le journal.
Mais l'affrontement entre les deux hommes ne se réalisait jamais et plus l'histoire avançait, plus les principaux protagonistes se trouvaient mis de côté, au profit de réflexions sur le karma, fondées sur la pensée bouddhiste chère au romancier, la faute et le rachat, ou l'errance de l'âme, incarnés par divers personnages. Le Daibosatsu Toge (le col du Grand Bodhisattva) est un lieu qui existe vraiment. Le choix de ce nom pour le titre du roman, par la présence même du mot bodhisattva, exprime bien, de manière concise, la vision du monde du romancier, qu'il compare à un mandala.
Le héros, décrit comme un personnage foncièrement mauvais, n'a rien d'un homme honnête; il n'est pas davantage un aventurier de roman picaresque ; par ailleurs, l'auteur n'explique jamais pourquoi il a donné à son héros une telle noirceur. Ces particularités du roman étant étroitement liées à la philosophie de l'auteur, il fut très difficile d'obtenir son accord pour l'adaptation au cinéma. En 1935, Nakazato finit par donner son autorisation moyennant des droits d'auteur exorbitants, mais ses innombrables exigences quant à l'adaptation lui valurent la réputation d'auteur le plus harassant depuis la création du cinéma japonais.
Pour le rôle principal, il voulut imposer Hiromasa Takano, maître de kendo Ittoryu, en qui il avait confiance. Mais Hiroshi Inagaki, jeune réalisateur de vingt-neuf ans, réussit à le convaincre et le rôle principal fut attribué à Denjiro Okochi, la vedette de l'époque des films de sabre. Toutefois, Takano se chargea des entraînements au budo et transforma les mouvements de combat peu crédibles des films d'action de l'époque en affrontements plus réalistes. Il réclama aussi plus d'authenticité dans les costumes et les accessoires. Tout cela, finalement, constitua une véritable révolution pour les films historiques.
Hiroshi Inagaki avait le statut de réalisateur principal mais la scène du combat initial, par exemple, fut tournée par Sadao Yamanaka, et celle se déroulant dans la maison d'Oharna par Ryohei Arai. Inagaki réalisa une suite l'année d'après, avec les mêmes acteurs. Mais ce film semble perdu. La première version du film faisait 136 minutes. La version existante est celle raccourcie à 77 minutes , pour la ressortie du film en 1942. |